Les journaux télévisés : entre information et promotion

Hier, 3 octobre 2016, la chaîne publique France 2 a diffusé un reportage sur la consommation des bonbons qui, aux dires de son présentateur, serait en augmentation. Placé en fin de journal le sujet est annoncé dans « le dossier du jour ».

Ne nous y trompons pas, ce reportage ne cible pas particulièrement nos petits chérubins. Il s’intéresse aussi aux grandes personnes qui deviendraient elles-mêmes mangeuses de bonbons. A ce titre, le micro-trottoir est très éloquent, il se tourne dans un premier temps vers des enfants pour s’orienter ensuite vers des adultes de moins de 50 ans : un homme pour lequel manger des bonbons « ça réconforte, ça fait du bien, ça relaxe », une femme ensuite tout aussi positive « Un petit coup de déprime ? Aller, hop ! un bonbon et ça repart ». Nous apprenons que les Français consommeraient 3 kg de bonbons par an et par personne. C’est possible, mais cette affirmation n’est accréditée par aucune étude. Le secteur serait en pleine croissance, 2 % depuis le début de l’année, nous voulons bien le croire, mais le reporter ne cite pas ses sources.

Les téléspectateurs sont invités à visiter une entreprise située dans le Gard. Le micro est alors tendu au responsable fabrication Haribo, puis à la responsable du pôle stratégie innovation Haribo qui nous fait découvrir les nouveaux produits de la marque (des fraises Tagada roses et violettes, la belle affaire ! ) et enfin au président de Haribo France filmé devant la mascotte de la marque.  Pour faire bonne mesure, les auteurs du reportage se sont intéressés à une autre marque de bonbons : Lutti. Cette fois ce sont les responsables recherche et marketing qui sont successivement interviewés. Tout cela agrémenté d’images de bonbons de toutes formes, de toutes couleurs, fabriqués en abondance et distribués en magasins où une présentation astucieuse autant qu’attrayante encouragera le téléspectateur-consommateur à succomber à la tentation.

Ce reportage du journal télévisé de la deuxième chaîne d’information du service public interroge. Des informations dignes de ce nom ne devraient-elles pas être plus riches dans leur contenu, plus objectives dans leur présentation ? Le téléspectateur ne serait-il pas en droit d’attendre un contrepoint ?

Par ailleurs, qu’en est-il de la campagne de prévention du PNNS (Programme national nutrition santé) par exemple ? N’est-ce pas là un moyen pour les grands annonceurs de contourner l’obligation qui leur est faite d’accompagner leurs messages publicitaires d’une mention sanitaire comme « Pour votre santé ne mangez pas trop gras, trop sucré, trop salé » ? Mais alors que dire de la connivence ici décelée entre les journalistes et les acteurs du monde marchand ? Il est certain en tout cas que ce « journalisme de marché »[1] sert bien plutôt les intérêts croisés des journalistes et de leur chaine, des communicants et de leurs annonceurs, que ceux des téléspectateurs.

 

 

[1] BENILDE. Marie, On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias, Raison d’agir, 2007.

Le journal télévisé : entre information et promotion

Hier, 3 octobre 2016, la chaîne publique France 2 a diffusé un reportage sur la consommation des bonbons qui, aux dires de son présentateur, serait en augmentation. Placé en fin de journal le sujet est annoncé dans « le dossier du jour ».

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Ne nous y trompons pas, ce reportage ne cible pas particulièrement nos petits chérubins. Il s’intéresse aussi aux grandes personnes qui deviendraient elles-mêmes mangeuses de bonbons. A ce titre, le micro-trottoir est très éloquent, il se tourne dans un premier temps vers des enfants pour s’orienter ensuite vers des adultes de moins de 50 ans : un homme pour lequel manger des bonbons « ça réconforte, ça fait du bien, ça relaxe », une femme ensuite tout aussi positive « un petit coup de déprime ? Aller, hop ! un bonbon et ça repart». Nous apprenons que les Français consommeraient 3 kg de bonbons par an et par personne. C’est possible, mais cette affirmation n’est accréditée par aucune étude. Le secteur serait en pleine croissance, 2 % depuis le début de l’année, nous voulons bien le croire, mais le reporter ne cite pas ses sources.

Les téléspectateurs sont invités à visiter une entreprise située dans le Gard. Le micro est alors tendu au responsable fabrication Haribo, puis à la responsable du pôle stratégie innovation Haribo qui nous fait découvrir les nouveaux produits de la marque (des fraises Tagada roses et violettes, la belle affaire ! ) et enfin au président de Haribo France filmé devant la mascotte de la marque.  Pour faire bonne mesure, les auteurs du reportage se sont intéressés à une autre marque de bonbons : Lutti. Cette fois ce sont les responsables recherche et marketing qui sont successivement interviewés. Tout cela agrémenté d’images de bonbons de toutes formes, de toutes couleurs, fabriqués en abondance et distribués en magasins où une présentation astucieuse autant qu’attrayante encouragera le téléspectateur-consommateur à succomber à la tentation.

Ce reportage du journal télévisé de la deuxième chaîne d’information du service public français interroge. Des informations dignes de ce nom ne devraient-elles pas être plus riches dans leur contenu, plus objectives dans leur présentation ? moins complaisantes ? Le téléspectateur ne serait-il pas en droit d’attendre un contrepoint ?

Par ailleurs, qu’en est-il de la campagne de prévention du PNNS (Programme national nutrition santé) ? Ne serait-ce pas là un moyen pour les grands annonceurs de contourner l’obligation qui leur est faite d’accompagner leurs messages publicitaires d’une mention sanitaire comme « Pour votre santé ne mangez pas trop gras, trop sucré, trop salé » ? Mais alors que dire de la connivence ici décelée entre les journalistes et les acteurs du monde marchand ? Il est certain en tout cas que ce « journalisme de marché »[1] sert bien plutôt les intérêts croisés des journalistes et de leur chaine, des communicants et de leurs annonceurs, que ceux des téléspectateurs.

Au fait, Halloween, c’est bien le 31 octobre n’est-ce pas ?

Voir le JT en replay

Consulter le site du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel sur les communications commerciales.

[1] BENILDE. Marie, On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias, Raison d’agir, 2007.

La nouvelle poupée qui manipule les enfants : « Hello Barbie »

Barbie

De la Barbie manipulée par l’enfant à la Barbie manipulatrice d’enfants

Chez Mattel on n’arrête pas le progrès ! Une nouvelle Barbie a vu le jour en 2015 « Hello Barbie ». Elle se voit commercialisée en cette fin d’année aux Etats-Unis. De quoi s’agit-il exactement ? L’hebdomadaire allemand Stern en explique très bien le système : « … elle enregistre en permanence l’ensemble des sons émis dans son environnement. Si elle reconnait que quelqu’un est en train de parler, la poupée enregistre ce qui est dit et le transmet à un serveur Mattel. La langue est analysée là-bas et une réponse adéquate est générée ».

De plus, grâce à ce système, ce sont aussi les centres d’intérêts et les goûts des enfants qui sont enregistrés et analysés. A quelles fins ? Nous ne sommes pas si naïfs pour croire que ces données très « personnelles », très « privées » ne seront pas exploitées commercialement comme semble s’en défendre la firme de jeux et jouets.

Par ailleurs nous imaginons fort bien toutes les potentialités offertes par un jouet capable d’entretenir des conversations avec un enfant et d’écouter ce qui se dit alentour à l’insu des personnes de l’entourage. Cette poupée « cheval de Troie » ouvre sur des perspectives pour le moins préoccupantes : formatage du cerveau enfantin, messages prescriptifs, formation d’idées et de représentations favorables à la consommation, etc.

Les écrans s’en chargent déjà me direz-vous. J’en conviens, mais ici un pas supplémentaire est franchi dans la rencontre d’une marque avec l’enfant : en direct, dans son lieu de vie, en dehors de l’influence et du contrôle habituels des parents.

Or qu’en sera-t-il si ce système est placé sous le contrôle d’un pirate ? « Hello Barbie pourrait voir son système de communication utilisé pour lui faire dire tout ce que ledit pirate souhaiterait » avertit Matt Jakubowski chercheur américain en sécurité sur Internet.

Dans une économie mondialisée, ultralibérale, les produits et services destinés aux enfants ne font hélas pas l’objet d’un marché spécialement protégé. Le profit prime sur toute considération éthique et déontologique. C’est la raison pour laquelle nous, parents et éducateurs, devons sans cesse nous poser la question du sens et du bienfondé de ces offres marchandes pour les enfants qui nous entourent. Ce questionnement est d’autant plus impérieux en cette période de fêtes.

Oui, les enfants ont besoin de jouer, certes nous souhaitons que nos présents leur fassent plaisir. Mais nous voulons par-dessus tout veiller à leur bien-être et à leur épanouissement. Quels jeux et jouets contribueront à les éveiller à la diversité du monde qui les entoure, à nourrir leur propre créativité, à leur permettre de se construire dans toute leur singularité ? Ces questions essentielles ne doivent-elles pas, en toutes situations, guider nos choix et nos achats ?

Sur le même sujet lire également l’article paru sur le site Slate

Le smartphone, à partir de quel âge ? Ce qu’en dit le JT de Fr2

Eh bien, si vous êtes de ceux qui se posent la question, la réponse a été clairement donnée dans le journal de 13 h de France 2 le 09 septembre dernier : vers 11 ans, âge qui correspond à l’entrée au collège.

Voilà, ils l’ont dit à la télé ! Un spécialiste, pédopsychiatre était même là, sur le plateau, pour confirmer les préconisations du reportage. D’ailleurs, pourquoi être récalcitrant quand « 1/3 des enfants de 10 ans a un mobile ». C’est ce qu’a affirmé la présentatrice du journal – sans citer sa source – avant de lancer le reportage.

Pour ceux qui sont sur le point de passer à l’acte d’achat, rien de tel que de se rendre dans une boutique spécialisée comme l’ont fait les journalistes de France 2. Pas n’importe laquelle d’ailleurs, si le vendeur interviewé était présenté comme un « conseiller en téléphonie mobile » la caméra, quant à elle, a bien pris soin de s’orienter de telle sorte que le téléspectateur puisse identifier l’opérateur : Bouygues. Tout cela était assorti d’arguments commerciaux bien ciblés : design du téléphone attrayant, caméra frontale pour les selfies, applications pour rester en contact avec les amis, etc.

Le coût ? Ne vous inquiétez pas, le commentaire sur image s’est voulu rassurant : « des forfaits à petits prix, sans engagement ». Mais comme si cela ne suffisait pas, ces propos ont été relayés par des plans sur les accroches commerciales de la boutique « tout compris », « sans engagement ».

On aura pris soin, tout de même, de prévenir les parents : « il faut les surveiller de près », assurer un suivi et que les devoirs soient faits avant tout divertissement. En réalité la surveillance parentale suffit-elle à mettre nos enfants à l’abri des usages excessifs et des contenus inappropriés ? Cette technologie-là le permet-elle vraiment ?

Rappelons quand même que l’usage d’un ordiphone (car il s’agit bien de cela : un ordinateur de poche) nécessite certaines compétences comme :

Savoir et pouvoir :

  • distinguer la réalité de la fiction
  • réagir aux contenus inappropriés ou inopportuns
  • reconnaître les techniques de marketing
  • débusquer les supercheries
  • trier l’information
  • analyser les contenus
  • protéger sa vie privée
  • réfléchir à l’utilité de certaines applications
  • connaître les ressorts de la captologie

Tout un programme en vérité… que les adultes ne maitrisent pas toujours si bien que ça ![1]

Est-il véritablement nécessaire de confier un smartphone à un jeune collégien ? Si le téléphone mobile peut être utile dans certains cas, pourquoi ne pas se satisfaire des fonctions : recevoir et émettre appels et SMS ? L’ordiphone sera ainsi réservé à l’entrée au lycée, âge auquel l’adolescent a acquis des connaissances et une plus grande maturité.

Pour plus d’informations sur la publicité dans les émissions de télévision je vous invite à consulter le site du CSA et notamment ce qui relève de la publicité clandestine en fin de page.

[1] Au cours de ce même JT, un reportage était consacré au cas d’un chef d’entreprise qui s’est fait siphonner toute sa trésorerie suite à une arnaque – via le courrier électronique – non débusquée par la responsable du service financier.

Un avis scientifique ?

L’avis rendu par l’Académie des sciences sur l’impact des écrans chez les enfants est-il vraiment scientifique ?

Il est tout à fait normal et légitime, pour tenter de se forger un avis objectif sur les impacts des technologies numériques sur la santé des enfants, de consulter la littérature scientifique qui se rapporte à cette question. Et elle est abondante.

En janvier dernier, l’Académie des sciences a publié un avis intitulé « l’enfant et les écrans« 

Une étude controversée
Une étude controversée

Toutefois, certains auteurs de cet avis n’ont jamais fait de recherches dans ce domaine très spécifique. A contrario des chercheurs reconnus et expérimentés, et ils sont plusieurs en France, ne sont ni consultés, ni référencés. Les affirmations concernant la tablette numérique pour les bébés sont étonnantes car qui peut prétendre disposer de suffisamment de recul pour en connaître les effets réels sur le développement global du petit enfant ?

La lettre ouverte de plusieurs chercheurs publiée dans le monde en février 2013 « Laisser les enfants devant les écrans est préjudiciable » constitue un contrepoint essentiel à l’Avis de l’Académie des sciences. A lire absolument!

Voir également la liste complète des signataires « L’incroyable avis de l’Académie des sciences« 

Voir aussi la réaction de l’Union Nationale des Associations Familiales

Bonnes lectures !