L’école, un lieu sans portable !

Depuis un peu plus de 10 ans persistait un relativisme aveugle quant aux conséquences de l’exposition des enfants et des ados aux écrans. Alors, pourquoi ne pas se réjouir d’une meilleure prise en compte de la protection de la jeunesse face au numérique ?

Que les écrans (téléphones portables, tablettes, montres connectées…) soient maintenus en dehors de l’enceinte de l’école primaire et du collège n’est pas choquant. C’est une mesure d’autant plus intéressante qu’elle ne s’applique pas aux usages pédagogiques qui peuvent nécessiter le recours aux écrans connectés. Plusieurs arguments militent en faveur d’une telle restriction :

  • élèves plus disponibles aux apprentissages scolaires ;
  • meilleure vie sociale au sein des établissements ;
  • « petites machines » remises à leur juste place (au service de l’usager et non l’inverse) ;
  • acquisition par les élèves d’une plus grande liberté vis-à-vis de ces écrans ;
  • diminution du harcèlement…

Néanmoins ce nouveau cadre légal devrait être accompagné de deux autres dimensions :

  1. Une plus grande régulation des plateformes qui s’adressent aux jeunes. Car en l’état elles sont extrêmement intrusives et beaucoup trop addictogènes. « Cela dépasse le psychisme de l’adolescent » me disait un psychothérapeute spécialisé dans l’adolescence lors d’un entretien d’enquête (voir mon ouvrage « Grandir avec les écrans ? », érès, 2020). Le recours à la confiance et à la raison sont, hélas sans effets face aux stratégies savantes de captation de l’attention.
  2. L’amplification et la systématisation de l’éducation aux médias et au numérique (EMI) dans le cursus scolaire. Si cette pratique existe déjà, elle est loin d’être suffisante face à l’ampleur de la tâche. Il est pourtant essentiel de transmettre un savoir construit aux élèves pour qu’ils aient une meilleure intelligence des tenants et des aboutissants liés à l’industrie du numérique, qu’ils acquièrent le discernement nécessaire et soient en mesure de gérer avec pertinence les applications qu’ils utilisent.

Interview France-Culture le 27 août 2024, journal de 7 h.

L’interdiction des portables dans les écoles et les collèges fait suite au rapport rendu par la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans rendu le 30 avril dernier au Président de la République : « Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu ».

Dans le préambule de ce rapport les auteurs notent :

La Commission a été bousculée par les constats qu’elle a eus à faire sur les stratégies de captation de l’attention des enfants, où tous les biais cognitifs sont utilisés pour enfermer les enfants sur leurs écrans, les contrôler, les réengager, les monétiser. Elle a été alarmée par certaines représentations, de la femme par exemple, que le numérique hyper amplifie, et par ce qu’il peut imposer aux jeunes filles dans leur vision d’elles-mêmes ou des comportements « attendus » d’elles.

Ces trois axes (pas de portables à l’école, régulation des plateformes et éducation aux médias et au numérique) devraient être pris en charge dans le même temps par les décideurs politiques, seul moyen d’atteindre les six grandes propositions émanant des travaux de la commission d’experts.