Décidément, la possibilité pour les chaînes de télévision de diffuser des messages publicitaires dans les espaces dédiés aux enfants ne les incite pas à adopter des conduites vertueuses, bien au contraire. Les annonceurs enclins à harponner les jeunes téléspectateurs ne sont pas non plus tous doués pour les « bonnes pratiques » recommandées par l’ARPP[1].
Il suffit de passer un peu de temps devant les programmes spécifiquement concoctés à l’intention des enfants de 4 à 10 ans pour prendre connaissance de la manière dont ces jeunes téléspectateurs sont considérés à travers les messages qu’on leur délivre.
Une publicité diffusée par la chaîne Gulli a tout particulièrement retenu mon attention[2]. Il s’agissait de promouvoir un abonnement à un service de téléchargements pour mobiles. Non seulement il est supposé que les enfants de cet âge sont susceptibles de posséder un Smartphone, ce qui est déjà en soi problématique, mais de surcroît l’abonnement au service en question présente un coût de 3 € par semaine. Le message verbal répété à deux reprises sur le mode de l’injonction et redoublé par le message textuel de la publicité : « Envoie ORDRE au 8 80 20 » sera certainement mémorisé par l’enfant.
D’autres mentions écrites accompagnent cette publicité telle : « mon portable est-il compatible ? compatibilité-mobile.fr ». Mais la rapidité du spot (10 secondes) ainsi que la taille des caractères en découragent assurément la lecture. En revanche une pastille jaune présente tout au long de la publicité comporte cet autre message « Accède à + de 10 000 sonneries avec le club ! ». Enfin, durant ce laps de temps une bande comportant d’autres informations écrites défile avec une extrême rapidité dans le bas de l’écran. Elle est de fait absolument illisible. Il m’aura fallu réaliser plusieurs pauses sur images pour réussir à déchiffrer le texte suivant dans sa totalité : « Mydoo – Abonnement sans engagement de durée. 1 contenu offert pour toute souscription. Inscription en 2 SMS non surtaxés. Téléchargement de 3 contenus par SMS reçu (au choix parmi sonneries, jeux, applications) pour 3 € par semaine + coup wap. Compatibilité et conditions : kko.store.fr. Désinscription : envoyez STOP au 88020 (SMS non surtaxé). Infos : envoyez CONTACT au 88020. Mineurs, demandez l’accord de vos parents ».
Il est évident que nous avons affaire ici à des agissements déloyaux et de ce fait contestables. Ces nombreuses informations échapperont à coup sûr aux jeunes téléspectateurs. Il en est de même pour l’avertissement relatif à l’autorisation parentale annulé du fait de son illisibilité. Le cœur de cible visé par les annonceurs présents dans les programmes et chaînes jeunesse est constitué par les 4-10 ans. Devant une publicité classique, l’enfant ne dispose pas de discernement suffisant avant l’âge de 8-10 ans. Dans le cas présent, le message publicitaire est construit de telle manière que les informations importantes ne puissent pas être perçues. L’article 6 de la recommandation enfant de l’ARPP[3] sur la « Publicité loyale », stipule : « Les messages adressés aux enfants doivent être clairs et simples pour prendre en compte leur niveau de connaissances, de vocabulaire ou d’expérience. ». Toutefois, il serait souhaitable que l’énonciation gagne en précision quant aux informations qui doivent accompagner certains messages (voir points 6/3 et 6/4). Il serait particulièrement indiqué d’insister davantage sur le fait que ces informations réclament une bonne lisibilité, dans le cas contraire elles ne servent strictement à rien. En tout état de cause, les services requérant un éventuel acte d’achat immédiat ne devraient-ils pas être interdits de publicité auprès des enfants ?
Cet exemple, comme d’autres relatés dans ce blog, démontre à quel point il est nécessaire et important pour les parents et éducateurs d’être attentifs aux contenus médiatiques conçus pour les enfants. Une vigilance accrue à l’égard de cette offre pléthorique de contenus de divertissements infiltrés de communications publicitaires serait de nature à favoriser, ici comme ailleurs, l’exercice de la citoyenneté et à faire évoluer lois et réglementations vers « l’intérêt supérieur de l’enfant ».
[1] Autorité de régulation professionnelle de la publicité (http://www.arpp.org/).
[2] Publicité recueillie le 16 mars 2016.