Des écrans pour les jeunes enfants ? Mais que voient-ils ?

Les enfants ne voient pas comme nous !

Ella ses yeux

D’aucuns prétendent que les écrans tactiles (dits interactifs) comme la tablette seraient appropriés pour les bébés quand la télévision et les DVD (dits non interactifs) ne le seraient pas [1]. Cette catégorisation, en apparence logique, n’est absolument pas pertinente pour les enfants en bas âge. Pour nous en convaincre attachons-nous à prendre en compte les compétences qu’acquiert l’enfant tout au long de son développement.

Prenons le cas de la vue puisque c’est le sens le plus sollicité par les écrans. Qui se pose la question de ce que voit l’enfant selon son âge ? Pour rappel donc brièvement et dans le cas d’une vision normale.

A 6 mois l’enfant a acquis la vision en relief. A 1 an son champ visuel se rapproche de celui de l’adulte mais sa vision périphérique est peu précise, il ne saura l’utiliser tout à fait que plus tardivement (vers 8 ans). Même chose pour les couleurs dont il aura une perception totale autour de 3 ans. Quant à l’acuité visuelle, elle est de 4/10ème à 1 an et de 6/10ème à 2 ans. C’est seulement vers 5-6 ans qu’elle sera pleinement mature. Sur ce point le site des équipes de réfraction et de strabologie du CHU de Nantes nous apporte une représentation saisissante de l’acquisition progressive de l’acuité visuelle chez les enfants.

Mettons-nous à la place du tout petit enfant, quel intérêt pour lui d’être exposé à des images qu’il ne peut voir convenablement ?

Par ailleurs n’oublions pas que le développement de la vision est étroitement associé aux activités psychomotrices. La capacité progressive de l’enfant de se mouvoir, de se déplacer à quatre pattes, puis de marcher pour découvrir le monde qui l’entoure, va contribuer à une bonne acquisition de ses compétences visuelles.

 

Comment savoir quel type d’écran convient à notre enfant ? Quel contenu, quelle application lui proposer ? Vous pouvez vous référer aux articles précédents :

Quels écrans, quels contenus, à quel âge ? Quelques repères (1)

Quels écrans, quels contenus, à quel âge ? Quelques repères (2)

[1] L’enfant et les écrans, Avis de l’Académie des sciences, 2013.

 

Est-il bon pour les bébés de jouer sur une tablette ?

NON ! répondent d’une même voix un grand nombre de professionnels de l’enfance, d’enseignants et de chercheurs dans un article paru le 14 septembre dernier dans Le Monde Science et techno.

« La tablette cause de sérieux troubles chez l’enfant lorsqu’elle devient le principal outil de stimulation ». Des effets notoires sont observés sur l’attention, le langage, la constitution de la notion de temps et de causalité, la motricité fine et globale et le graphisme.

Lire l’article ici

Lire ou relire

Des bébés devant des écrans 

Les tout petits et les écrans ne font pas bon ménage

Les tout-petits et les écrans ne font pas bon ménage !

Entretien avec Héloïse Junier, psychologue en crèche et formatrice en psychologie de l’enfant.

Pouvez-vous nous rappeler rapidement quels sont les besoins essentiels de l’enfant entre 0 et 3 ans ?

On distingue deux grandes familles de besoins :

  • les besoins physiologiques : manger, dormir, évacuer, respirer…
  • les besoins psychologiques : besoins d’interactions avec l’adulte, d’être câliné, d’être aimé, d’être considéré avec bienveillance par l’adulte. Mais aussi le besoin d’explorer, de découvrir, de tester…

Les écrans interfèrent avec les besoins fondamentaux de l’enfant. Quant aux besoins psychologiques, ils sont souvent mésestimés voir méconnus par l’adulte alors qu’ils sont, comme les besoins physiologiques, primordiaux pour un bon développement et un bon épanouissement.

Les écrans ne nuisent pas directement aux besoins physiologiques, qu’en est-il alors du sommeil ou des repas devant la télévision ?

Ils font interférence avec. C’est-à-dire que si l’enfant regarde un écran avant de dormir, la sécrétion de la mélatonine, hormone régulatrice du sommeil, sera modifiée et de ce fait l’endormissement risque d’être retardé. Si bien que l’enfant pourra avoir des difficultés d’attention le lendemain et être plus fatigable, plus irritable. Ça ne va pas non plus l’empêcher de manger, mais il risque de moins manger ou au contraire de manger de manière plus automatique, sans réel plaisir pour l’action en cours. Or, n’oublions pas que le temps de repas est avant tout un temps de partage avec l’adulte au cours duquel l’enfant acquiert des nouveaux mots de vocabulaire. On peut dire que les écrans altèrent les besoins physiologiques de base, mais n’empêchent pas qu’ils soient assouvis.

En ce qui concerne les besoins psychologiques, les conséquences de l’exposition aux écrans du tout-petit sont-elles plus graves ?

Oui, l’exposition des enfants de moins de 3 ans aux écrans court-circuite les besoins psychologiques. Ils ne vont pas dans le même sens. Par exemple, un enfant a besoin d’être en interaction avec un adulte (ce qui est rarement le cas lorsqu’il est seul face à un écran), ce que les nombreuses études en psychologie du développement et de l’attachement ont bien mis en avant. Sans oublier que les interactions sociales sont indispensables pour le bon développement des fonctions cognitives.

Si l’enfant passe tout son temps devant un écran loin de l’adulte, les meilleures conditions pour un bon développement et un épanouissement ne seront pas réunies. Plus la consommation d’écran est importante plus les besoins psychologiques risquent d’être altérés.

Les écrans ont-ils ou non une place dans cette période de la vie ? Et si oui de quelle manière ?

Spontanément, j’aurais tendance à répondre que non ! Non, les écrans n’ont pas leur place dans cette tranche de vie. L’enfant n’en a pas besoin pour bien grandir, au contraire. En réalité, c’est un peu plus compliqué, car les parents ont besoin des écrans pour leur propre usage…

Ces écrans vont à l’encontre de leurs besoins fondamentaux. Les jeunes enfants ont besoin d’être dans la vraie vie, dans de vraies interactions avec de vrais gens et non en interaction avec Dora qui fait semblant de les écouter et de leur répondre via un écran. Eh oui, ils sont très sensibles à la réponse de leur interlocuteur. Le tout petit a vraiment besoin, dans son environnement, de personnes réelles qui lui fassent des feed-back très répétés pour bien apprendre, par essais et erreurs. Il a également besoin de manipuler de vrais objets. Sur une tablette tactile, la girafe et l’éléphant sont sensiblement identiques alors qu’en vrai, un éléphant en plastique, une girafe en tissu et un cube en bois n’auront pas le même poids, ni la même texture, ni la même odeur ! Mais ce n’est pas tout. La luminosité et la rapidité des images qui caractérisent les écrans sur-stimulent l’enfant et sur-sollicitent son attention (son système d’attention involontaire, cf. B. Harlé [1]). Entre 0 et 3 ans, les enfants n’ont pas besoin d’être sur-stimulés, leurs apprentissages sont spontanés. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas que d’un problème de contenu, mais aussi d’un problème de contenant. Je m’explique : ce ne sont pas les seules images qui défilent sur l’écran qui posent un souci, c’est aussi l’écran lui-même. Même si, bien évidemment, il est bien plus déconseillé que l’enfant regarde le JT qu’un épisode de Petit Ours Brun ! Rappelons qu’à ces âges, l’enfant n’est pas en capacité de distinguer la fiction de la réalité. Il prend tout ce qu’il voit pour argent comptant.

L’écran place l’enfant dans une position passive à un âge où il devrait être actif pour découvrir son environnement. Et puis, n’oublions pas que, au-delà de l’ensemble de ces méfaits, l’écran vient voler à l’enfant du temps passé à faire autre chose de bien plus précieux pour son développement : attraper des objets et les mettre à la bouche, courir après un oiseau, construire des tours de cubes, faire quelques pas dans l’herbe… Finalement, chez le tout-petit, moins l’environnement est sophistiqué, mieux c’est !

Pour toutes ces raisons, les écrans n’ont pas leur place dans l’environnement de l’enfant. Cependant, certains parents étant très friands de ces écrans, l’objectif est de trouver un compromis qui respecte les besoins des enfants et les souhaits des parents ce qui, il faut le reconnaître,est souvent assez compliqué !

Y a-t-il une différence sensible en ce qui concerne l’exposition des enfants aux écrans entre 2 et 3 ans ? Les organisations pédiatriques américaines et canadiennes préconisent l’absence d’écrans jusqu’à 2 ans, en France la Direction générale de la santé a donné un avis qui place la limite à 3 ans.

Ce n’est pas très facile de respecter la limite des 3 ans pour les familles où il y a des fratries, par exemple. Entre 2 et 2 ans et demi, l’enfant gagne en maturité cognitive, le langage s’est déjà un peu plus développé. On peut imaginer qu’à cet âge, les enfants sont un peu plus « costauds » pour être exposés aux écrans. Cela dit, l’idéal serait, comme le préconise Michel Desmurget [2], l’absence totale d’écran. Néanmoins si on veut mettre une limite, 2 ans est un bon repère. Même si, c’est indéniable, 3 ans est encore mieux. Disons que plus cette consommation d’écrans est tardive, mieux c’est.

Quels conseils pratiques donneriez-vous aux adultes qui sont en contacts réguliers avec les enfants de moins de 3 ans ?

Les professionnels de l’enfance, de la petite enfance et les enseignants sont peu au courant des méfaits des écrans. Il faudrait donc commencer par les informer pour qu’à leur tour ils puissent sensibiliser les familles (via des articles, des affichages dans les lieux publics, des échanges informels dans les couloirs). Il faudrait envisager toute une politique de sensibilisation des parents aux effets des écrans.

Par rapport aux parents, cela dépend toujours de leur capacité à contrôler ou à tolérer la présence des écrans au foyer. Mais en tant que psychologue de crèche, je leur communique quelques conseils :

  • Pas d’écran le matin avant d’aller chez la nounou, à la crèche ou à l’école. C’est un point important. Les enfants qui regardent la télé épuisent toute leur attention et arrivent à l’école la batterie « déchargée ». Ces derniers peuvent, au cours de la journée, être plus excités, plus actifs, avoir plus de difficultés à se concentrer sur une activité, être moins tolérants à la frustration… Bien entendu, cette hyper-excitation peut ne pas être l’unique apanage des écrans et demeurer, bien souvent, multifactorielle.
  • Pas d’écran le soir avant de dormir. Regarder l’écran peu de temps avant de se coucher tend à retarder leur endormissement et à les maintenir dans un état d’excitation. Dans la continuité, il aura plus de mal à se réveiller le lendemain matin. Or, qui dit réveil difficile, dit journée plus difficile.
  • Pas d’écran pendant les repas de façon à privilégier les interactions avec l’adulte. Les repas sont des moments où l’on peut échanger, nommer les objets, partager un plaisir. Au cours des repas, les enfants apprennent tellement de nouveaux mots grâce à ces interactions privilégiées avec l’adulte, qu’il serait dommage de les en priver !
  • Pas d’écran à disposition de l’enfant : il faut utiliser un contrôle parental et éviter de mettre les télécommandes à portée de main, faire en sorte qu’il ne puisse allumer tout seul le bouton power. Et bien sûr, pas d’écran dans la chambre pour limiter les tentations et l’usage solitaire de ces nouvelles technologies.

Pour plus d’informations vous pouvez consulter le blog d’Héloïse Junier et sa communauté facebook « La psy contre-attaque » 

Voir aussi : Des bébés devant des écrans

[1] HARLE Bruno, pédopsychiatre hospitalier, région Rhône-Alpes

[2] DESMURGET Michel, TV lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision, Max Milo Éditions, 2012.

Des bébés devant des écrans

Suite à l’article précédent concernant les dix risques liés aux écrans dans l’univers familial voici, comme convenu, quelques éléments de réflexion sur ce que j’ai mentionné comme le risque premier.

L’arrivée de chaînes privées spécifiquement destinées aux enfants de moins de trois ans, la mise sur le marché de DVD, de tablettes numériques et d’applications conçues pour les bébés, reposent la question de l’exposition précoce des enfants aux écrans.

Un grand nombre d’experts de la petite enfance et de chercheurs ont alerté les citoyens et les pouvoirs publics sur les dangers qu’encourent les tout-petits placés devant un écran. Mais leurs mises en garde ont-elles été suffisamment comprises et entendues ?

Le cerveau du bébé n’est pas un cerveau adulte en miniature, il ne possède pas les mêmes capacités que celui de son aîné, c’est pourquoi la période qui se situe entre 0 et 2 ans et demi – trois ans est très importante et ce à plusieurs titres. Avant deux ans, par exemple, l’enfant n’est pas en mesure de mettre en rapport la bidimensionnalité de l’image et le monde en trois dimensions dans lequel il vit. De même, des chercheurs ont pu démontrer que si l’on cache un jouet derrière un fauteuil sous le regard de l’enfant, ce dernier est en capacité d’aller chercher le jouet là où il a été dissimulé. En revanche si ce même enfant regarde cette scène via un écran, il ne sait pas retrouver l’objet. Ces expériences démontrent qu’il faut attendre au moins l’âge de deux ans pour que l’enfant puisse être en mesure de traiter les images audiovisuelles.

Nombre de parents pensent que leur bébé s’intéresse à ce qui se passe à la télévision, il serait en quelque sorte fasciné par les images. De ce constat découle un raccourci très courant : il regarde, cela signifie qu’il aime. Que l’on ne s’y trompe pas, ce phénomène n’a rien à voir avec l’intérêt du bébé pour le contenu de l’image qui ne lui est pas intelligible, il s’agit, comme l’explique le pédiatre Dimitri Christakis chercheur à Seattle, d’un réflexe dit « d‘orientation », réflexe qui fait que tout humain, et cela depuis la nuit des temps, s’oriente vers une source de bruit ou de lumière qu’il perçoit dans son environnement pour s’assurer qu’il n’y a pas de danger[1].

Disons-le clairement, non seulement les écrans ne sont pas adaptés aux enfants en bas âge mais ils sont susceptibles de nuire à leur développement psychomoteur, intellectuel et psychoaffectif. Des risques très précis ont été identifiés, il est impératif de les prendre au sérieux. A titre d’exemples :

–        Acquisition du langage perturbée et/ou retardée

Le langage s’acquiert grâce aux échanges directs et en vis-à-vis avec les personnes de l’entourage immédiat. Les écrans, quels qu’ils soient, ne procurent pas ce type de relations interpersonnelles ;

On a observé que tout en jouant le petit enfant babille, il entend les sons qui sortent de sa bouche, il s’amuse à les moduler tout en manipulant ses jouets. Progressivement ce babillage va le conduire au langage par la prononciation de mots, puis de groupes de mots, en attendant la construction de phrases plus complexes. Cette phase d’apprentissage langagier se construit sur le modèle développé par ses proches. Or, l’enfant qui regarde la télévision n’émet aucun son, il ne babille pas, il ne s’entend donc pas. Qu’en est-il alors de l’apprentissage du langage avec le support de la télévision ? Les expériences scientifiques montrent que l’absence de lien direct  avec la mère ou un autre adulte proche du tout petit enfant et l’inexistence de relation affective rend cette forme d’apprentissage très pauvre, voire inopérante.

–        Addiction future

Il y a lieu de penser que l’enfant biberonné aux écrans encourt le risque de développer des addictions futures aux écrans. Ce fait n’est pas étranger au constat que les habitudes prises dans la petite enfance par rapport aux écrans ont  tendance à persister par la suite.

–        Fatigue

N’oublions pas non plus que les écrans sont source de grande fatigue pour le bébé qui a une capacité d’attention très réduite. L’adulte n’a pas toujours pleinement conscience des efforts importants que le bébé doit fournir pour regarder un écran.

–        Imaginaire colonisé et appauvri par les écrans

Si le temps passé devant un écran à cet âge est conséquent les risques sont démultipliés. En outre, il semblerait comme l’indique Divina Frau-Meigs que « plus les activités sont répétées à la petite enfance, plus le cerveau, par économie, se focalise sur les structures et les synapses utilisées, laissant les autres péricliter parce qu’elles ne sont pas activées »[2].

Tous ces éléments, et ce ne sont pas les seuls (voir ci-dessous notes biliographiques) attestent de l’extrême vigilance que nous devons observer et du principe de précaution qui doit prévaloir sur toute autre considération dès lors que nous avons affaire aux enfants, et à plus forte raison, dans les toutes premières années de leur vie.

Alors, que faire ?

–        Ne pas banaliser la présence d’un bébé devant un écran ;

–        Donner priorité aux expériences concrètes plutôt que virtuelles ;

–        Donner priorité à l’imaginaire de l’enfant plutôt qu’à celui qui lui est fourni par les écrans ;

–        Lui procurer présence et accompagnement humains dans tous les domaines de sa vie ;

–        Lui assurer la sécurité affective dont il a le plus grand besoin.

En tout état de cause, ayons bien à l’esprit que ces produits destinés aux bébés répondent d’abord à des intérêts commerciaux. C’est à chaque parent de s’informer suffisamment pour savoir ce qui est véritablement bon pour son enfant.

Enfin précisons que l’âge de trois ans n’est qu’un repère, des précautions sont à prendre en matière d’écrans pendant toutes les phases de son développement et ce, jusqu’à ce qu’il atteigne une autonomie suffisante, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’adolescence.

Pour terminer je vous propose ce très beau dessin d’Arthur (5 ans) réalisé en janvier 2014. Merci Arthur !

« Notre salon » – Arthur, sa petite sœur, sa maman et son papa sur le canapé, le tapis vert et la télévision.

Dessin d'Arthur 2

A lire ou à écouter en complément :

ALLARD C., « Les bébés et la télévision » in Réalités familiales n°84, 2007, pp. 82-85.

BATON-HERVE E., « Pas de télévision pour les bébés ! » in Réalités familiales n°84, 2007, pp.76-81.

JEHEL Sophie, CIEM., Télévision pour les bébés : un danger pour leur santé, pour leur développement et pour leur éducation,

Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, Délibération du 22 juillet 2008 visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision

MARTIN T., « L’enfant face à la télévision : quels effets sur son développement cognitif, langagier et pragmatique ? » Certificat de capacité d’orthophoniste, juin 2011, 111 p.

JOUSSELME C., « Nous déconseillons fortement l’usage de la télévision chez le tout-petit », interview, Santé de l’homme, dossier petite enfance et promotion de la santé.

GIAMPINO S., « Télévision et bébé »

GIAMPINO S., « La télé, c’est pas pour les bébés »

URAF Centre

UNAF : « Télévision, les bébés ont autre chose à faire ! »

UNAF : Réaction de l’UNAF à l’avis de l’Académie des sciences sur « l’enfant et les écrans »

A lire également l’Avis de la DGS (Direction Générale de la Santé) sur l’impact des chaînes télévisées sur le tout petit enfant (0 à 3 ans), 16 avril 2008.


[1] Une Télé dans le biberon, film documentaire de Anne Georget, ARTE,  04 février 2011. Voir aussi : http://www.film-documentaire.fr/Une_t%C3%A9l%C3%A9_dans-biberon.html,film,34308

[2] Télévision pour les bébés : un danger pour leur santé, pour leur développement et pour leur éducation, http://www.collectifciem.org/spip.php?article108#outil_sommaire_3

Noël des enfants ou Noël des tablettes ?

Et si les tablettes numériques étaient nuisibles pour les moins de trois ans ?

Sapin de Maya

Merci Maya pour ce beau sapin de Noël !

 

La préparation des fêtes de fin d’année bat son plein. Si Noël et le nouvel An riment avec cadeaux, sapins, guirlandes, étoiles et tables généreusement garnies, la fin d’année est aussi la période des emplettes et des caddies bien remplis. Rappelons-nous alors que les achats effectués ont peut-être été dictés par la publicité. Pourquoi pas me direz-vous et vous avez raison, à condition cependant de rester vigilant et de ne pas se départir de tout discernement.

Les ventes de tablettes numériques n’ont sans doute pas encore atteint leur summum. C’est un matériel qui semble désormais devoir s’imposer aux consommateurs adultes comme aux enfants et ce, dès le plus jeune âge.

photo tablette 036

Pour toucher les plus petits, les fabricants rivalisent d’ingéniosité. Le design, les couleurs, la matière, tout est pensé pour donner l’illusion d’un produit adapté à l’âge de l’enfant. En 2012 Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste l’affirmait dans un interview pour le Journal du Dimanche : « Les tablettes, doivent être rangées avant 3 ans, un usage immodéré de l’écran tactile empêche l’enfant de construire des repères spatiaux et temporels qui le structurent.» Il précise un peu plus loin « la tablette limite la relation au monde, à ce que l’enfant en voit. Il touche l’écran au lieu de saisir l’objet, il ne le flaire pas, ne le mâchouille pas. Il n’a pas d’appréhension des trois dimensions de l’espace. »[1][2]

Avant 3 ans l’enfant à autre chose à faire que d’être placé devant un écran. C’est la période des grandes acquisitions qui ne sont rendues possibles que par l’expérimentation concrète et dans le cadre de relations humaines affectueuses et empathiques. Quels que soient son apparence (forme, matière etc.) et ses contenus, la tablette numérique ne sollicite que deux des cinq sens : le toucher et l’audition.

La différence établie par certains[3] (cf. mon article : Un avis scientifique ? et ici ) entre écrans passifs et écrans interactifs ne sert ni la cause des plus petits ni celle des parents, elle ne fait que légitimer la vente de ce matériel auprès d’une tranche d’âge qui constitue une niche économique supplémentaire. L’interactivité est illusoire et trompeuse parce qu’il s’agit d’une interactivité programmée et par conséquent limitée. Rien ne vaut l’expérience concrète d’une pile de cubes qui s’écroule si l’enfant retire celui sur lequel repose la tour patiemment construite ; rien ne vaut l’objet saisi dans l’environnement dont l’enfant peut détourner la fonction initiale au gré de son imagination.

Soyons conscient que si l’on met une tablette numérique trop tôt entre les mains de l’enfant cela l’expose à une dépendance future aux écrans. Il risque également d’éprouver plus de difficultés à investir d’autres activités. Enfin cela peut rendre, par la suite, plus difficile la gestion des écrans. Il ne faut pas oublier en effet que les habitudes prises dans ce domaine au cours des premières années de la vie ont tendance à persister par la suite et que plus nombreux sont les écrans dans le foyer, plus fréquentes sont les sollicitations.  En réalité, les risques encourus avec ce petit écran numérique sont les mêmes que ceux encourus pour un enfant de moins de trois ans que l’on expose à la télévision (voir à ce sujet l’article : Pas de télé pour les bébés. De plus l’enfant peut sembler tellement sage que les parents peuvent de leur côté avoir tendance à prolonger le temps d’utilisation de la tablette au-delà des limites conseillées par ceux qui la préconisent.

Par ailleurs si, pour forcer la vente de ce matériel auprès des parents de très jeunes enfants, les fabricants mettent également en avant les qualités ludiques et éducatives des programmes il va sans dire qu’il est aussi largement utilisé pour diffuser du dessin animé. Que devient alors l’argument de l’interactivité présentée comme un atout ?

L’achat d’un écran pour la famille ou pour l’un de ses membres n’est jamais un acte banal, c’est pourquoi nous devrions l’accompagner de questions essentielles : pourquoi cet achat ? Pour qui ? Pour quelle utilisation ? Quelles en seront les conséquences (heureuses ou malheureuses) sur les relations intrafamiliales, les comportements, la nature de la présence à l’autre que l’on va volontairement ou non, et parfais insidieusement développer ? Enfin, ayons clairement à l’esprit que le rapport qu’entretiennent les adultes avec les écrans numériques est un exemple sur lequel, assurément, les enfants s’appuieront.


[1] « Avant l’âge de trois ans, les tablettes sont nuisibles », Journal du Dimanche, 1er juillet 2012.

[2] Un an plus tard, ce spécialiste change de position, sur quels fondements ? La question est jusqu’à ce jour sans réponse.

[3] Académie des sciences : L’enfant et les écrans, éditions Le Pommier, janvier 2013.